Entretien avec Thomas Mordant (2013), étudiant à l’E.N.S. Paris (« Ulm »)

Thomas Mordant

Nous avons été reçus très aimablement chez les Mordant, pour interviewer notre camarade Thomas quelques mois après son succès exceptionnel au concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure (E.N.S. Paris dite « Ulm »), en MP* (Maths Physique), obtenu à 16 ans, malgré son handicap moteur. Nous avons eu des échanges très intéressants sur cette Grande Ecole, sur les activités, sur la vie que Thomas y mène ainsi que sur ses perspectives professionnelles.

Merci de ton accueil et du temps que tu nous consacres, entouré par ta famille. Peux-tu d’abord nous relater ton cursus précédant l’entrée à l’E.N.S. ?

Je suis né le 23 octobre 1998 et j’ai effectué ma scolarité au Chesnay, au lycée Blanche de Castille. J’y ai obtenu le bac scientifique (série S spécialité mathématiques, en 2013) avec trois ans d’avance et la moyenne de 18.97 / 20. Attiré très tôt par les sciences, et en particulier par l’ « abstraction mathématique », j’ai choisi la préparation aux Grandes Ecoles et je suis entré à Hoche en Maths Sup ; ce Lycée a été tout de suite très accueillant pour le jeune nouveau que j’étais, j’y ai reçu de mes camarades de préparation MPSI et MP* une aide précieuse (par exemple, mes camarades m’ont fourni tous les contenus des cours auxquels je ne pouvais pas assister physiquement).

Le professeur de Mathématiques Spéciales (« Maths Spé ») savait combiner à la fois un comportement directif et exigeant et de la souplesse. J’ai visé les quatre E.N.S. (Ulm, Cachan, Lyon, Rennes), parce qu’elles correspondent le mieux à mes goûts scientifiques, et j’ai réussi le concours en juillet 2015, pour entrer ainsi à « l’E.N.S. Ulm », à la 22e place, à 16 ans.

N’as-tu pas vécu à Hoche une émulation amicale pour la 1ère place de ta classe de prépa ?

En effet, mon camarade Olivier Levillain et moi avons rivalisé – très courtoisement et de manière très stimulante ! – en tête de classe, c’est lui qui obtenait le plus souvent la première place, mais à l’arrivée, c’est-à-dire au concours de l’E.N.S. Ulm, je l’ai devancé de quatre places !

Merci, Thomas ! Nous serions maintenant très intéressés par ton cursus actuel à l’E.N.S. Ulm et tes premières impressions sur cette école et son enseignement.

Remarque : les rédacteurs recommandent vivement au lecteur de lire, pour connaître l’E.N.S. Ulm, l’article de Wikipédia « l’Ecole Normale Supérieure (Paris) ».

L’E.N.S. offre aux normaliens une certaine liberté et une très grande variété dans le choix de ses matières, couvertes par 15 départements de disciplines distinctes, par exemple celui de Mathématiques et Applications (DMA) auquel j’appartiens.

J’y suis des cours de Maths et d’informatique, et par ailleurs d’italien et de musicologie correspondant à mes goûts plus personnels. Comme vous pouvez le voir au piano à queue et à la collection de CD qui occupent cette pièce, la musique est une passion commune de ma famille. J’ai une véritable passion pour Mozart et ses opéras, et je suis très heureux de pouvoir les analyser de manière approfondie grâce à l’enseignement de spécialistes. J’aime particulièrement les Noces de Figaro et Cosi fan Tutte, ce qui explique le choix de mes cours littéraires : l’italien pour comprendre les livrets et les indications des partitions qui sont toujours écrites dans cette langue (allegro, crescendo…) et la musicologie pour comprendre la musique elle-même. J’ai aussi l’intention de suivre des cours dans d’autres disciplines aux semestres suivants, notamment en physique et peut-être en biologie.

En Maths, où nous sommes 45 élèves, nos méthodes de travail reposent sur les cours magistraux, des conférences et des groupes de travail ; par exemple, je viens d’y faire un exposé sur l’« inégalité isopérimétrique » (recherche des courbes maximisant, à périmètre identique, l’aire recouverte, dont la solution est le cercle). En informatique, le travail est très collectif avec la réalisation de projets concrets. Les enseignements nous sont donnés par la fine fleur des enseignants-chercheurs, souvent assez jeunes : en effet, c’est souvent entre 25 et 40 ans qu’ils sont à la pointe de leur recherche.  Chacun de nous est suivi régulièrement par un tuteur qui nous conseille dans notre projet d’études ; bien sûr, des examens périodiques sanctionnent nos progressions.

Le travail est moins soutenu qu’en prépa, et plus détendu, l’atmosphère est plus conviviale ; un exemple en est, chaque mercredi, le Thé du DMA, en espace « Cartan »: nous y avons entre nous une rencontre hebdomadaire tout à fait informelle, nous y parlons librement de tous les sujets, le plus souvent extra professionnels, qui nous plaisent… Mais il est amusant de noter que l’administration de l’E.N.S., pleine de sagesse et sentant que le naturel revient parfois au galop, nous y a mis des tableaux noirs… pour le cas où notre curiosité mathématique, normalement débranchée lors ce thé, nous démangerait subitement.

Je vois les traditions normaliennes séculaires d’Ulm se perpétuer, avec d’abord leur vocabulaire imagé : en 1ère année, nous sommes des conscrits, et serons en 2ème année des vieux cons, nos tuteurs ou agrégés-préparateurs sont surnommés caïmans, les fêtes sont des kalôs, et on continue de qualifier les catholiques et protestants pratiquants respectivement de « talas » et « talos »  ; le Bocal est notre journal interne, auquel j’ai déjà envoyé une contribution ; le terme Archicube désigne nos anciens et leur revue.

La Courô (abréviation de Cour aux Ernests) est un lieu emblématique de l’Ecole : une cour avec un bassin situé au centre des bâtiments de l’ENS, rempli de poissons rouges (les Ernests, prénom d’un ancien directeur de l’E.N.S.) dans lequel chaque nouvelle promotion de conscrits est initiatiquement plongée en début d’année.

Et comment vois-tu les années suivantes et ton futur cursus ?

Il est encore tôt, à trois bonnes années et demie de la sortie de l’E.N.S., pour arrêter mes futurs choix professionnels ! Toutefois, je serai certainement mathématicien, et mes études à l’E.N.S. vont certainement élargir ma vision du domaine extrêmement large et évolutif des mathématiques. Au stade actuel, j’étudie les trois principales branches des mathématiques, qui m’intéressent beaucoup : la topologie (modélisation et propriétés des formes des objets multidimensionnels), l’algèbre, et les probabilités. Au-delà de l’E.N.S., je pense travailler, comme les trois quarts des anciens, dans le vaste domaine de la recherche et de l’enseignement, et à ce titre entreprendre une thèse de doctorat, puis postuler, via les concours de recrutement, à des postes d’enseignement supérieur et de recherche.

Thomas, merci beaucoup de cet interview, bonne chance pour toute la suite de tes activités qui intéressent tous nos camarades de Hoche ; bravo encore à toi, à ta famille et aux autres personnes qui t’accompagnent, pour ton entrée remarquable à l’E.N.S. Ulm.

Vincent Bourgerie et Martial Fabre, administrateurs de l’Association des Anciens de Hoche

 
 
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(3) commentaires

  1. Bravo Thomas, quel parcours brillant ! Je te souhaite de vivre toutes tes passions et surtout de te réaliser totalement. Beaucoup de belles choses pour les mois et les années à venir.
    Marie-line DOPPIA

    Répondre
  2. Salut Thomas,
    Je suis content d’avoir de tes nouvelles via le site des Anciens de Hoche.
    Je vois que tu t’épanouis à ULM et je m’en réjouis !
    Nous allons continuer à suivre ton parcours exceptionnel et te souhaitons plein de bonnes choses pour la suite.
    Amitiés
    TL

    Répondre

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