Quels impacts sociaux pour l’intelligence artificielle ?

Parlement Hoche, association d’élèves et étudiants du lycée Hoche, a organisé un intéressant débat à propos des effets de l’intelligence artificielle sur nos sociétés le 26 avril 2024.

Pour cet événement, Parlement Hoche réunit des personnalités de premier plan qui, à divers titres, travaillent sur l’émergence de l’intelligence artificielle et les conséquences sociales et économiques:

  • Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe, anciennement ministre chargé du Numérique;
  • notre camarade Ariane Nabeth-Halber (1989), directrice de l’Intelligence Artificielle et de l’Innovation chez ViaDialog;
  • François Richard, Expert impacts environnementaux numérique au Shift Project;
  • Thierry Rayna, enseignant-chercheur à l’Ecole Polytechnique de Paris et Directeur de la Chaire Technology for Change.

Jean-Noël Barrot rappelle que le Parlement européen s’était saisi de la question des IA génératives afin d’élaborer une norme européenne garantissant aux consommateurs la qualité des produits et services mis sur le marché. Quand les produits d’intelligence artificielle sont devenus accessibles au plus grand nombre, s’est posée la question de réguler leur usage, en évitant toutefois d’empêcher la recherche sur ce domaine, afin de ne pas créer un retard technologique en Europe.

Ariane Nabeth-Halber décrit comment les outils d’IA peuvent aider au progrès des plates-formes téléphoniques. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas question de remplacer le téléacteur par une IA, car celle-ci pourrait générer des réponses inadaptées dans des cas très particuliers, et par ailleurs risquerait de provoquer des attentes non souhaitables pour le client. Le premier usage est de tester des scénarios d’analyse et de réponse avant leur mise en œuvre opérationnelle. L’IA prend le rôle de l’usager, et génère des réponses éventuellement décalées voire inattendues, ce qui peut arriver à un non spécialiste qui tente de décrire sa situation. L’IA est utile pour imaginer des scénarios de demande client apparemment illogiques. En second lieu, l’IA peut aider en cas de second appel d’un client pour un même problème qui a déjà fait l’objet d’un début d’analyse et d’une première action. L’IA analyse les données déjà collectées auprès du client et fournit un résumé au téléacteur, afin que celui-ci s’imprègne rapidement du dossier, épargnant au client de raconter à nouveau son histoire. Un troisième cas identifié est la préparation d’une réponse sur un cas un peu complexe.

François Richard observe que l’IA est, avec le bitcoin, une technique numérique susceptible de faire croître de manière exponentiel le besoin énergétique des pays développés. Dès lors se pose la question d’arbitrer les usages pour ne pas risquer de se trouver dans un « black-out énergétique ».

Thierry Rayna observe que la question de l’impact social s’est posée à partir du moment où chacun de nous s’est trouvé en mesure d’utiliser des outils d’IA générative, c’est-à-dire au fond dès que ChatGPT s’est trouvé disponible gratuitement pour tous. Beaucoup de gens sont encore aujourd’hui incapables de comprendre ce qu’une IA générative peut leur apporter. Or l’IA générative a pour propriété de générer une réponse médiocre, c’est-à-dire une réponse située dans la partie la plus enflée de la courbe de Gauss. Ce n’est pas la meilleure réponse, c’est la réponse la plus probable. Pour illustrer cette idée, il faut s’imaginer rechercher la recette du veau aux morilles pour ce soir. En faisant une recherche web ordinaire, on trouve une variété de solutions et l’on a du mal à choisir ce que l’on va faire. Si l’on demande à une IA de rédiger une recette, elle vous fournira une seule recette, la plus probable, la plus communément admise. En ce sens, l’IA devrait permettre à beaucoup plus de personnes de générer un contenu de qualité moyenne.

Peut-on anticiper que l’IA va supprimer des emplois ? L’analyse de l’histoire démontre que la technologie n’a presque jamais durablement supprimé des emplois. En regardant plus finement le cas des centres d’appels, on observe que l’IA fait que les agents les moins rapides progressent le plus, en termes de nombre de requêtes par heure. Bref, comme d’autres progrès technologiques qui se sont inscrits dans la durée, l’IA devrait permettre des prestations de plus grande qualité.

Une vision plus pessimiste serait que les IA génératives provoque notre noyade sous le flot de blabla. Ce risque est de nature à créer du travail de remise en perspective. Les entreprises trop soucieuses d’automatiser leurs processus par l’IA risquent de perdre leurs usagers. Les employées qu’elles auront licenciés viendront recréer le lien perdu avec le client.

De nombreuses questions de l’assistance ont permis d’approfondir les idées essentielles présentées par les intervenants, dans une ambiance conviviale mais très professionnelle. Bravo à Parlement Hoche pour l’organisation de cet événement !

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